Théorème de sélection de Helly
Le théorème de sélection de Helly a été établi par le mathématicien Eduard Helly en 1912[1]. Ce théorème garantit qu'une suite de fonctions qui a des variations bornées admet une sous-suite convergente[2],[3],[4]. Il permet en particulier le passage à la limite sous le signe de l'intégrale de Stieltjes.
Définitions
Soit un intervalle réel.
- Une fonction est dite :
- à variations bornées sur I s'il existe une constante M telle que, pour toute subdivision σ = (x0, x1, … , xn) de I, on ait ;
- localement à variations bornées sur I si elle est à variations bornées sur tout sous-intervalle compact de I.
- Un ensemble de fonctions réelles définies sur I est uniformément à variations bornées sur I s'il existe une constante M telle que, pour toute subdivision σ de I, on ait .
Énoncé
De toute suite de fonctions réelles définies sur un intervalle I uniformément à variations bornées et uniformément bornée () on peut extraire une sous-suite simplement convergente. La limite de cette sous-suite est à variations bornées.
On va d'abord démontrer le théorème pour une suite de fonctions croissantes. Pour ce faire, on utilisera deux fois le fait que pour tout ensemble dénombrable D, l'espace produit est séquentiellement compact, c.-à-d. que toute suite d'applications de D dans admet une sous-suite simplement convergente (c'est la stabilité par produits dénombrables de la compacité séquentielle).
En appliquant d'abord ce lemme à , on peut donc extraire une sous-suite, qu'on notera encore , qui converge simplement sur .
Notons f la fonction limite, définie sur et à valeurs dans et, pour tout point ,
- .
La fonction f étant croissante (comme limite simple de fonctions croissantes), l'ensemble
est au plus dénombrable.
Soit . Notons la valeur commune et montrons que tend vers cette valeur. Soit ; il existe tels que , et . Pour n assez grand, et et, comme les sont croissantes, , donc
- ,
ce qui prouve la convergence de pour tout .
Pour finir, on applique à nouveau le lemme (à l'ensemble ) pour obtenir une sous-suite qui converge partout.
Cas général : on sait qu'une fonction réelle à variations bornées peut se mettre sous forme de différence de deux fonctions croissantes : . La décomposition n'étant pas unique, il faut en trouver une telle que les deux suites et vérifient les hypothèses qu'on a utilisées. Notons l'ensemble des subdivisions d'un sous-intervalle J. et fixons . Pour toute fonction f à variations bornées sur I, notons (pour tout segment ) ; on vérifie facilement que les deux fonctions
sont croissantes et que si alors , donc si de plus alors .
Les hypothèses utilisées ci-dessus sont donc satisfaites pour et .
On applique le résultat déjà démontré à , puis de la suite extraite on fait une seconde extraction pour assurer la convergence de .
Selon le même principe, on pourrait traiter des fonctions à valeurs complexes ou, plus généralement, à valeurs dans un espace de dimension finie, en faisant des extractions en cascade pour les parties réelle et imaginaire, ou pour les composantes dans une base.
Généralisation
On peut déduire du théorème le résultat suivant (encore par une extraction diagonale) :
Soit une suite de fonctions réelles définies sur un intervalle telle que
- pour tout sous-intervalle compact K, il existe tel que ;
- la suite est uniformément à variations bornées sur tout sous-intervalle compact.
Alors, on peut extraire de une sous suite simplement convergente. La limite de cette sous-suite est localement à variations bornées.
Interprétation en termes de compacité
Le théorème de Helly est clairement un énoncé de compacité, mais cette compacité ne concerne pas vraiment les fonctions à variations bornées.
Notons l'espace vectoriel des fonctions réelles continues sur tendant vers zéro en , muni de la norme uniforme et l'espace vectoriel des fonctions réelles continues bornées sur , avec la même norme. On sait que ce sont deux espaces de Banach, et que est un sous espace fermé de .
Le dual de l'espace de Banach s'identifie à l'espace des mesures de Radon bornées sur , et d'après le théorème de Banach-Alaoglu, la boule unité fermée de est *-faiblement compacte, c'est-à-dire compacte pour la topologie de la convergence simple sur . Elle est aussi séquentiellement compacte (comme est séparable, la topologie induite sur la boule unité de par la topologie *-faible est métrisable). C'est cette compacité qu'exprime, indirectement, le théorème de Helly, et la démonstration ci-dessus est une preuve de ce cas particulier du théorème de Banach-Alaoglu (preuve d'un intérêt limité, car la démonstration générale du théorème de Banach-Alaoglu est plus courte que celle du théorème de Helly). Montrons le lien entre les deux résultats.
On sait que toute mesure bornée se prolonge de manière unique à (pour des mesures positives — les seules pour lesquelles le théorème est utilisé en pratique —, c'est une conséquence du théorème de convergence monotone ; pour des mesures de signe quelconque, il faut passer par la mesure positive ). Si est une mesure bornée, on peut donc définir la fonction de répartition , et une condition suffisante pour qu'une suite bornée de mesures bornées converge *-faiblement vers est que leurs fonctions de répartition convergent vers la fonction de répartition de simplement sur l'ensemble des points de continuité de (la réciproque est fausse).
Supposons que la suite de fonctions uniformément à variations bornées converge simplement vers la fonction à variations bornées sur l'ensemble des points de continuité de . Comme est à variations bornées, l'ensemble des points de discontinuités est au plus dénombrable, donc est dense dans . On notera (resp ) les mesures bornées associées à (resp ) par l'intégrale de Stieltjes. On note que , où est un majorant uniforme des variations des et de ). Soit un intervalle borné limité par deux points de , notons la fonction indicatrice de cet intervalle.
D'après la définition des intégrales de Stieltjes, , donc . Si est une combinaison linéaire de fonctions de ce type, il est clair que .
Soit maintenant . Elle est uniformément continue : .
Soit et notons . Pour tout choisissons un élément . Par construction, .
Comme tend vers zéro à l'infini, il existe une somme finie telle que (pour assez grand, est une approximation à près). On a vu que donc
.
On applique le plus souvent ces résultats pour des mesures de probabilité, ce qui demande des précautions supplémentaires : l'ensemble des mesures positives de masse totale inférieure ou égale à est *-faiblement fermé (c'est une intersection de demi-espaces *-faiblement fermés) ; il est contenu dans le compact (*-faible) constitué par la boule fermée de rayon , donc il est *-faiblement compact. Mais l'ensemble des mesures de probabilité n'est pas *-faiblement fermé ; il est par exemple évident que la suite des masses de Dirac aux points converge *-faiblement vers zéro, or la mesure nulle n'est clairement pas une mesure de probabilité. Il faut donc des hypothèses supplémentaires, par exemple la convergence étroite, ou des conditions de tension, ces dernières pouvant, dans le cas de , s'exprimer à l'aide des fonctions de répartition.
Habituellement, les probabilistes sous entendent l'étoile et écrivent « convergence faible » au lieu de « convergence *-faible » et de même pour toutes les expressions du même type (parce que la véritable convergence faible, qui ferait intervenir le dual de l'espace des mesures, n'est jamais utilisée) ; comme l'espace n'est pas réflexif, cela peut conduire à des erreurs si on utilise sans réfléchir des théorèmes sur les e.v.t. pour lesquels la distinction est importante.
Notes et références
- ↑ (en) John J. O'Connor et Edmund F. Robertson, « Eduard Helly », sur MacTutor, université de St Andrews.
- ↑ W. J. Kaczor et M. T. Nowak (trad. de l'anglais par E. Kouris), Problèmes d'analyse, vol. III, EDP Sciences (lire en ligne), p. 17 et 94 (problème I.3.14).
- ↑ M. Métivier, Notions fondamentales de la théorie des probabilités, Paris, Dunod, .
- ↑ (en) Patrick Billingsley (en), Probability and Measures, Wiley, .
- ↑ S. Francinou, H. Gianella et S. Nicolas, Exercices de mathématiques oraux x-ENS, Analyse 2, Cassini.
- ↑ (en) I. P. Natanson (en), Theory of Functions of a Real Variable, Dover, (lire en ligne), p. 222.
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