Lemme de recouvrement de Vitali

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Le lemme de recouvrement de Vitali[1] est un résultat combinatoire de théorie de l'intégration des espaces euclidiens. Il est largement utilisé dans des démonstrations en analyse réelle.

Énoncé

Toutes les boules considérées sont implicitement de rayon strictement positif. Pour toute boule ouverte (resp. fermée) B de rayon r, on notera kB la boule ouverte (resp. fermée) de même centre et de rayon k × r {\displaystyle k\times r} .

  • Version finie : Tout ensemble fini V de boules (dans ℝd ou plus généralement dans un espace métrique), toutes ouvertes ou toutes fermées, contient une partie D de boules disjointes telle que
    B V B B D 3 B . {\displaystyle \bigcup _{B\in V}B\subset \bigcup _{B\in D}3B.}
  • Version infinie : Soit c >[2] 1. Tout ensemble V de boules dont les rayons sont majorés par une même constante contient une partie au plus dénombrable D de boules disjointes telle que
    B V B B D ( 2 c + 1 ) B . {\displaystyle \bigcup _{B\in V}B\subset \bigcup _{B\in D}(2c+1)B.}
    De plus, pour chaque élément B de V il existe une boule C dans D telle que B intersecte C et B ( 2 c + 1 ) C {\displaystyle B\subset (2c+1)C} .

Preuve

  • Version finie :
    On définit par récurrence une suite finie B0, … , Bm de boules de V en choisissant, pour Bn, une boule de rayon maximum parmi celles disjointes des Bk pour 0 ≤ k < n. Toute boule B de V, de rayon r, rencontre ainsi une boule Bn, de rayon rn ≥ r. L'inégalité triangulaire assure alors que B est inclus dans 3Bn.
  • Version infinie[3] :
    Soient R un réel majorant tous les rayons des boules de V et, pour tout entier naturel n, Vn l'ensemble des boules de V dont le rayon appartient à ]c–(n + 1)R, c–nR]. On définit par récurrence une suite (Dn) de parties au plus dénombrables de V en choisissant, pour Dn, un ensemble maximal de boules de Vn disjointes entre elles et disjointes (si n > 0) de toutes les boules de D0, … , Dn – 1, puis on prend pour D la réunion des Dn. Toute boule B de V, appartenant à un Vn, intersecte une boule B' de D0 ∪ … ∪ Dn. Le rayon de B est alors strictement inférieur à c fois de celui de B' donc (par inégalité triangulaire) B ⊂ (2c + 1)B'.

Applications

Une application directe du lemme de recouvrement de Vitali permet de prouver l'inégalité maximale de Hardy-Littlewood. Comme dans cette preuve, le lemme de Vitali est fréquemment utilisé lorsque, par exemple, on étudie la mesure de Lebesgue, λd, d'une partie mesurable E de ℝd, que l'on sait être contenue dans la réunion d'une certaine collection V de boules, chacune d'entre elles ayant une mesure pouvant être calculée aisément, ou ayant une propriété particulière que l'on souhaite exploiter. Donc, si l'on calcule la mesure de cette union, on aura une borne supérieure de la mesure de E. Cependant, il est difficile de calculer la mesure de l'union de ces boules si elles se superposent. Avec le théorème de Vitali, on peut choisir une sous-collection D dénombrable et disjointe telle que, en multipliant les rayons par 2c + 1, cette sous-collection transformée contienne le volume occupé par la collection de boules originale, et donc couvre E. On a donc, en prenant par exemple c = 2 :

m ( E ) λ d ( B V B ) λ d ( B D 5 B ) B D λ d ( 5 B ) = 5 d B D λ d ( B ) = 5 d λ d ( B D B ) . {\displaystyle m(E)\leq \lambda _{d}\left(\bigcup _{B\in V}B\right)\leq \lambda _{d}\left(\bigcup _{B\in D}5B\right)\leq \sum _{B\in D}\lambda _{d}(5B)=5^{d}\sum _{B\in D}\lambda _{d}(B)=5^{d}\lambda _{d}(\cup _{B\in D}B).}

Un résultat qui rend parfois les mêmes services que le lemme de Vitali est celui de Besicovitch (en), dont les principales différences sont que les boules sélectionnées ne recouvrent pas les boules de départ mais seulement leurs centres, et que la condition qu'elles soient disjointes est par contre affaiblie : on permet qu'un certain nombre d'entre elles (égal à une constante qui ne dépend que de la dimension d de l'espace euclidien) aient un point commun.

Théorème de recouvrement de Vitali

Dans ce théorème, le but est de recouvrir, à un ensemble « négligeable » près, une partie donnée E de ℝd, par une famille de parties disjointes deux à deux, extraite d'un « recouvrement de Vitali » de E.

Un recouvrement V d'une partie E de ℝd est dit « de Vitali » si, pour tout point x de E, il existe dans V une suite de parties qui tend vers x[4], c'est-à-dire qui contiennent x et dont le diamètre tend vers 0.

Dans le cadre originel de Vitali, un ensemble négligeable s'entend au sens de la mesure de Lebesgue λd sur ℝd, mais il existe des variantes relatives à d'autres mesures, cf. ci-dessous.

Il est utile de remarquer que si V est un recouvrement de Vitali d'une partie E d'un ouvert de ℝd alors, la famille des éléments de V inclus dans cet ouvert est encore un recouvrement de Vitali de E.

Pour la mesure de Lebesgue

Le théorème de recouvrement suivant, dû à Lebesgue[5],[6], nécessite l'introduction de la notion de régularité, qui formalise l'intuition d'ensemble « pas trop maigre »[7], c'est-à-dire assez proche d'une boule par ses proportions, en un sens assez vague pour être indépendant de la norme choisie sur ℝd. Lebesgue a ainsi généralisé le résultat originel de Vitali, qui concernait seulement les recouvrements par des hypercubes[6] (qui sont exactement des boules, pour une certaine norme).

Une partie mesurable F de ℝd est dite γ-régulière (au sens de Lebesgue), pour une certaine constante γ > 0, s'il existe une boule ouverte B telle que

B F  et  λ d ( F ) γ   λ d ( B ) . {\displaystyle B\supset F{\text{ et }}\lambda _{d}(F)\geq \gamma ~\lambda _{d}(B).}

Une famille de parties est dite régulière si toutes les parties sont γ-régulières pour une même constante γ. Les boules (pour une norme arbitraire) forment une famille régulière de ℝd, de même que, dans ℝ2, les rectangles dont le rapport entre les deux côtés est compris entre un réel strictement positif fixé et son inverse, tandis que la famille de tous les rectangles n'est pas régulière.

Un recouvrement régulier au sens de Vitali[6] d'une partie E de ℝd est une famille V de parties de ℝd telle que, pour tout point x de E, il existe une suite régulière de parties de V qui « tend vers x » au sens ci-dessus (on ne demande cependant pas que la constante de régularité soit la même pour tous les x).

Théorème — Soient E une partie (non nécessairement mesurable) de ℝd et V un recouvrement régulier au sens de Vitali de E par des fermés. Il existe dans V une famille au plus dénombrable D de parties disjointes deux à deux telle que

λ d ( E F D F ) = 0. {\displaystyle \lambda _{d}(E\setminus \cup _{F\in D}F)=0.}
Démonstration dans le cas où les fermés de V sont des boules

Sans perte de généralité, on peut supposer que tous les rayons des boules de V sont inférieurs à 1. D'après lemme de Vitali, avec par exemple c = 2, dans sa version plus précise fournie par la preuve ci-dessus, V contient une partie au plus dénombrable D de boules disjointes telle que toute boule B de V rencontre une boule B' de D vérifiant B ⊂ 5B'.

On note B(r) la boule ouverte de rayon r. L'objectif est de démontrer, pour tout r > 0, que l'ensemble Z des éléments de E B(r) qui n'appartiennent à aucune boule de D est négligeable.

Notons (Fn) la famille des boules de D qui rencontrent B(r). Comme leurs rayons sont inférieurs à 1, leur réunion est incluse dans B(r + 2) et, comme elles sont disjointes, la somme de leurs mesures est par conséquent finie. Il existe donc, pour tout ε > 0, un entier N tel que

n > N λ d ( F n ) < ε . {\displaystyle \sum _{n>N}\lambda _{d}(F_{n})<\varepsilon .}

Notons alors K = F0 ∪ … ∪ FN. Pour tout point z de Z, puisque z appartient à la fois à E et à l'ouvert B(r)\K, il appartient à une boule B de V incluse dans cet ouvert. Cette boule B est incluse dans 5B' pour une certaine boule B' de D qui rencontre B B(r)\K, donc qui est égale à Fn pour un certain n > N. Ainsi,

Z n > N 5 F n  et  λ d ( n > N 5 F n ) n > N λ d ( 5 F n ) = 5 d n > N λ d ( F n ) < 5 d ε . {\displaystyle Z\subset \cup _{n>N}5F_{n}{\text{ et }}\lambda _{d}(\cup _{n>N}5F_{n})\leq \sum _{n>N}\lambda _{d}(5F_{n})=5^{d}\sum _{n>N}\lambda _{d}(F_{n})<5^{d}\varepsilon .}

Comme cette majoration est établie pour tout ε > 0, ceci prouve que Z est bien négligeable.

La démonstration dans le cas général[6] ne fait pas appel au lemme de Vitali mais utilise les mêmes arguments que la précédente, de façon plus fine.

On démontre d'abord le théorème dans le cas où la constante de régularité est la même pour tous les points de E et où E est borné, puis on s'affranchit de ces deux hypothèses.

Démonstration dans le cas où la régularité est uniforme et où E est borné

On suppose E inclus dans une boule ouverte B. Sans perte de généralité, tous les fermés de V sont aussi dans cette boule.

On construit par récurrence une suite (Fn) (finie ou infinie) d'éléments de V de la manière suivante. Pour tout entier naturel n, on pose Vn = l'ensemble des éléments de V qui ne rencontrent aucun des Fk pour 0 ≤ k < n. Si Vn est vide, la construction est terminée. Sinon, on note δn la borne supérieure des mesures de tous les éléments de Vn et on choisit pour Fn un élément de Vn de mesure supérieure à δn/2.

Comme les Fn sont disjoints et inclus dans B, la somme des δn est finie. A fortiori, δn → 0, donc l'intersection des Vn est vide.

L'hypothèse de régularité permet d'associer à chaque élément F de V une boule BF, de rayon rF, qui le contient et dont la mesure est majorée par celle de F divisée par γ. On se retrouve ainsi dans la même situation que dans la démonstration précédente : pour tout fermé F de V, si n est l'entier tel que F soit dans Vn mais rencontre Fn alors, les deux boules correspondantes se rencontrent, donc

F B F ( 1 + 2 k ) B F n  avec  k = 2 γ d , {\displaystyle F\subset B_{F}\subset (1+2k)B_{F_{n}}{\text{ avec }}k={\sqrt[{d}]{\frac {2}{\gamma }}},}

puisque

r F r F n = λ d ( B F ) λ d ( B F n ) d λ d ( F ) / γ λ d ( F n ) d δ n / γ δ n / 2 d = k . {\displaystyle {\frac {r_{F}}{r_{F_{n}}}}={\sqrt[{d}]{\frac {\lambda _{d}(B_{F})}{\lambda _{d}(B_{F_{n}})}}}\leq {\sqrt[{d}]{\frac {\lambda _{d}(F)/\gamma }{\lambda _{d}(F_{n})}}}\leq {\sqrt[{d}]{\frac {\delta _{n}/\gamma }{\delta _{n}/2}}}=k.}

De plus,

λ d ( ( 1 + 2 k ) B F n ) = ( 1 + 2 k ) d λ d ( B F n ) ( 1 + 2 k ) d γ λ d ( F n ) ( 1 + 2 k ) d γ δ n . {\displaystyle \lambda _{d}((1+2k)B_{F_{n}})=(1+2k)^{d}\lambda _{d}(B_{F_{n}})\leq {\frac {(1+2k)^{d}}{\gamma }}\lambda _{d}(F_{n})\leq {\frac {(1+2k)^{d}}{\gamma }}\delta _{n}.}

Tous les ingrédients sont donc réunis pour montrer, exactement comme dans la démonstration précédente, que l'ensemble des points de E qui n'appartiennent à aucun Fn est négligeable.

Extension au cas général

Pour tout entier n > 0, notons En l'ensemble des points de E distants d'au plus n de l'origine et dont la constante de régularité est supérieure à 1/n. Il suffit de définir par récurrence une suite (Dn) de familles finies de fermés de V, dont la réunion D ne contient que des fermés disjoints et telle, que pour tout n,

λ d ( E n 1 k n , F D k F ) 1 / n . {\displaystyle \lambda _{d}(E_{n}\setminus \cup _{1\leq k\leq n,F\in D_{k}}F)\leq 1/n.}

Pour construire Dn, il suffit d'appliquer le résultat précédent à l'ensemble (borné)

E n 1 k < n , F D k F , {\displaystyle E_{n}\setminus \cup _{1\leq k<n,F\in D_{k}}F,}

muni du recouvrement (régulier au sens de Vitali) constitué des éléments de V dont la constante de régularité est supérieure à 1/n et qui sont disjoints des fermés des Dk précédents.

Pour la mesure de Hausdorff

On peut utiliser cette approche en considérant la mesure de Hausdorff à la place de celle de Lebesgue. Dans ce cas, on obtient le théorème suivant[8].

Théorème. Soient E ⊂ ℝd un ensemble Hs-mesurable et V un recouvrement de Vitali de E. Alors il existe dans V une famille au plus dénombrable D de parties disjointes deux à deux telle que

soit   H s ( E U D U ) = 0 ,  soit  U D d i a m ( U ) s = . {\displaystyle {\text{soit}}~H^{s}(E\setminus \cup _{U\in D}U)=0,{\mbox{ soit }}\sum _{U\in D}\mathrm {diam} (U)^{s}=\infty .}

De plus, si E a une mesure de Hausdorff finie alors, pour tout ε > 0, on peut choisir cette sous-collection D telle que

H s ( E ) U D d i a m ( U ) s + ε . {\displaystyle H^{s}(E)\leq \sum _{U\in D}\mathrm {diam} (U)^{s}+\varepsilon .}

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Vitali covering lemma » (voir la liste des auteurs).
  1. (it) Giuseppe Vitali, « Sui gruppi di punti e sulle funzioni di variabili reali », Atti dell'Accademia delle Scienze di Torino, vol. 43,‎ , p. 75-92 (JFM 39.0101.05, lire en ligne)
  2. Dans cette version de l'énoncé, 2c + 1 ne peut pas être pris égal à 3. On trouve cependant dans (en) Frank Jones, Lebesgue Integration on Euclidean Space, Jones & Bartlett, , 2e éd., 588 p. (ISBN 978-0-7637-1708-7, lire en ligne), p. 448 la version suivante : tout ensemble de boules ouvertes de ℝd dont l'ensemble E des centres est borné contient une partie au plus dénombrable D de boules disjointes telle que E B D 3 B . {\displaystyle \scriptstyle E\subset \bigcup _{B\in D}3B.}
  3. Adapté de (en) Michael E. Taylor, Measure Theory and Integration, AMS (lire en ligne), p. 147-148
  4. (en) Stanislaw Saks, Theory of the Integral, Dover, , 2e éd. (lire en ligne), p. 106
  5. Henri Lebesgue, « Sur l'intégration des fonctions discontinues », ASENS, vol. 27,‎ , p. 361-450
  6. a b c et d Saks 1937, § IV.3
  7. « Not too skinny » : (en) David Pollard, A User's Guide to Measure Theoretic Probability, CUP, , 351 p. (ISBN 978-0-521-00289-9, lire en ligne), p. 68
  8. (en) K. J. Falconer, The Geometry of Fractal Sets, CUP, (lire en ligne), p. 11

Liens externes

  • Stefan Banach, « Sur le théorème de M. Vitali », Fundam. Math., vol. 5, no 1,‎ , p. 130-136 (lire en ligne)
  • (de) Constantin Carathéodory, Vorlesungen über reelle Funktionen, AMS, , 3e éd. (1re éd. 1918) (lire en ligne), « Überdeckungssatz von Vitali », p. 299-307
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