Combat de chevaliers contre des escargots

Un chevalier chargeant un escargot et un oiseau. Livre du Trésor de Brunetto Latini (1315-1325).

Le combat de chevaliers contre des escargots est, durant le Moyen Âge central, le sujet de nombreuses illustrations, utilisées comme une forme de dérision ou d'humour.

Historique

Cathédrale de la Sainte-Croix et de Sainte-Eulalie (Barcelone), détail de la porte Sainte-Eulalie : combat d'un chevalier contre un escargot.

Durant une brève période et plus précisément à la fin du XIIIe siècle et au début du siècle suivant, des illustrations et certaines décorations sur des murs d'églises ou de cathédrales (telle que la cathédrale Sainte-Croix de Barcelone) représentèrent des escargots combattants, voire dans des bâtiments civils à l'instar de la maison des consuls de Saint-Pons-de-Mauchiens ou du château de Capestang, tous deux situés dans l'Hérault[1]. Dans la plupart de ces représentations, les escargots pointent agressivement leurs antennes vers un chevalier, prêt à se battre contre ce petit gastéropode curieusement surdimensionné.

Marian Bleeke, professeur d'art médiéval à l'Université de Chicago, considère que ce combat de chevaliers contre des escargots représente le « symbole d'un monde bouleversé, où les hiérarchies existantes seraient alors renversées mais aussi une allusion à la résurrection ». D'autres commentaires (notamment celui de l'historienne Lilian Randall) évoquent une allusion à un comportement chevaleresque indigne, à l'instar des chevaliers lombards considérés comme peu courageux par les chevaliers français[2],[3].

C'est généralement dans les marges des codices médiévaux (dénommées « marginalia ») que se retrouvent ce type de représentations quelquefois définies comme des « drôlerie ». Elles correspondent à un moment très précis de la production de ce type d'ouvrages durant la période la plus riche, au niveau de la quantité et de la qualité artistique, de l'art de l'enluminure gothique. Ce type d'illustration correspond à un espace limité à l'Europe occidentale, notamment Paris et le nord de la France avant de s'étendre à la Flandre et à l'Angleterre avant de passer plus rarement, en Italie, en Espagne et dans les terres du Saint-Empire romain germanique[4].

Représentation populaire

Le combat de chevaliers ou de gens d'armes contre des gastéropodes, représentés de façon à comprendre la tournure humoristique du récit, indique que les lettrés du Moyen Âge employaient aussi cette forme d'esprit, avec par exemple une gravure datant de 1410 présentant un château-fort intitulée : « Le débat des gens d'armes et une femme contre un lymasson » et sous lequel on peut lire les vers suivants[5],[6].

 Lymasson, pour tes grands cornes
 Le chasteau ne lairrons d'assaillir,
 Et si pouvons te ferons fuyr
 De ce beau lieu où tu reposes.
 Oncques Lombard ne te mangea
 A telle sauce que nous ferons ;
 Nous te mettrons dans un beau plat
 Au poyvre et aux oignons.
 Serres tes cornes, nous te prions,
 Et nous laisse entrer dedans,
 Autrement nous t'assaudrons De
 nos bastons qui sont tranchans.

Références

  1. Site societearcheologiquedumidi.fr, Texte de Yves et Françoise Grangia "L'escargot dans le midi de la France, approche iconographique, page 86
  2. Site slate.fr, article d'Ernest Ginot "Pourquoi des escargots combattants étaient ils si représentés au Moyen Âge?".
  3. Site actualitte.com, article "Escargots et chevaliers : des duels séculaires dans les manuscrits".
  4. Site brepolsonline.net, article de Valérie Toureille dans Duels dérisoires. Chevaliers et escargots dans les marginalia. Enjeux d’interprétation (1250-1350), "Duels dérisoires, chavaliers et escargots dans les marginalia. Enjeux d'interprétations 1250 - 1350.
  5. Site gireaud.net, page "L'escargot dans le temps"
  6. Site cdigital.dgb.uanl.mx Dictionnaire de français, Université à San Nicolás de los Garza, Mexique.

Annexes

Bibliographie

  • Cardelle de Hartmann, Carmen. De lombardo et lumaca et la plurivocité du procédé parodique. dans "Formes et fonctions de la parodie dans les littératures médiévales", Textes réunis par Johannes Bartuschat et Carmen Cardelle de Hartmann, 2013 (ISBN 978-88-8450-497-5).

Articles connexes

Liens externes

  • Passions médiévistes : épisode 74 – Julia et l’escargot au Moyen Âge
  • Pour la Science N°478, article de Loïc Mangin "L'attaque des féroces escargots"
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